La dérogation mineure : les limites du pouvoir discrétionnaire du Conseil municipal
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Publié par Me Vanessa Hergett
En janvier 2021, la Cour d’appel dans l’affaire Saint-Elzéar c. Bolduc et la Cour supérieure dans l’affaire Stinson c. Gatineau (en juillet 2021) ont eu l’occasion de rappeler les conditions essentielles pour l’octroi d’une dérogation mineure par un conseil municipal et les limites du pouvoir discrétionnaire dont ils disposent.
D’abord, dans l’affaire St-Elzear c. Bolduc, la Cour d’appel rappelle les critères devant être impérativement pris en considération par le conseil municipal, soit :
- Le caractère mineur de la dérogation;
- Le respect des objectifs du Plan d’urbanisme;
- L’existence d’un préjudice pour le requérant si la dérogation mineure n’est pas accordée;
- Atteinte à la jouissance des propriétaires des immeubles voisins.
Ces critères doivent être appliqués scrupuleusement, autrement les tribunaux seront justifiés d’intervenir, malgré le pouvoir discrétionnaire dont disposent les municipalités. Dans cette affaire, la Cour d’appel se penche particulièrement sur la notion de préjudice sérieux du requérant et conclut que dans la mesure où la dérogation mineure n’est réellement demandée que pour accroître la production et la rentabilité de l’entreprise du requérant, celui-ci ne subit aucun préjudice sérieux. Cette entrave à l’un des critères essentiels est suffisante pour annuler la dérogation mineure consentie.
Elle rappelle également qu’une dérogation mineure vise à « remédier à la rigidité parfois excessive de la réglementation en matière de zonage ou de lotissement sans devoir passer par la procédure longue et complexe de la modification réglementaire« . Suivant les principes déjà reconnus par la jurisprudence, une dérogation mineure ne pourra servir à contourner les dispositions irritantes de la réglementation d’urbanisme ni un outil permettant à un promoteur d’accroître sa rentabilité, ou encore un remède permettant à la municipalité de régulariser des erreurs ou mauvaises décisions d’un propriétaire ou d’arbitrer les problèmes privés de voisinage.
Finalement, une dérogation mineure ne peut généralement pas être quantifiée, mais doit plutôt faire l’objet d’une analyse qualitative afin de déterminer si elle est « mineure ».
Ensuite, un peu plus tard en 2021, la Cour supérieure, dans l’affaire médiatisée Stinson c. Gatineau, a eu l’occasion de réitérer que, même si les Tribunaux n’ont pas à apprécier de la sagesse ou l’opportunité d’accorder une dérogation mineure et que généralement, une preuve de mauvaise foi, de discrimination ou d’abus de pouvoir était nécessaire pour renverser l’octroi d’une dérogation mineure, le conseil municipal se devait de respecter les critères énoncés aux articles 145.2 à 145.4 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Ainsi, si l’un des critères n’était pas rencontré, cela entraînerait automatiquement la nullité de la dérogation mineure.
Rappelons qu’une dérogation mineure ne peut être accordée pour un usage ou la densité d’occupation du sol.
Aussi, en mars 2021, d’autres conditions pour l’octroi d’une dérogation mineure se sont ajoutées pour les lieux où l’occupation du sol est soumise à des contraintes particulières ou encore l’aggravation des risques en matière de sécurité ou de santé publique ou l’atteinte à la qualité de l’environnement ou au bien-être général, sauf pour les inconvénients inhérents à la pratique de l’agriculture (voir Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions – art. 14 et 15). Ces conditions viendront, selon toute vraisemblance, limiter et encadrer davantage le pouvoir discrétionnaire accordé aux conseils municipaux en matière de dérogation mineure.
Pour toute question relative aux demandes de dérogations mineures, n’hésitez pas à communiquer avec l‘équipe de Beauregard Avocats.