La Cour supérieure corrige l’interprétation des règlements applicables sur le territoire de la Ville de Montréal touchant le développement immobilier

Ces derniers mois, l’interprétation des règlements municipaux et d’urbanisme sur le territoire de la Ville de Montréal a fait l’objet de plusieurs jugements de la Cour supérieure , dont certains corrigeant l’application faite par les fonctionnaires au détriment des développeurs immobiliers. C’est le cas de la décision Propriétés Cons 9 inc. c. Ville de Montréal2022 QCCS 576, rendue par l’honorable Serge Gaudet le 22 février 2022 (ci-après la « décision PC9 ») et de la décision Immeubles Blue Stone inc. c. Ville de Montréal et l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, 2022 QCCS 1148, rendue par l’honorable Michel Déziel le 4 avril 2022 (ci-après la « décision Immeubles Blue Stone »), dans lequel Beauregard avocats représentait Immeubles Blue Stone conjointement avec Avocats Renno & Vathilakis.

Dans la décision PC9, PC9 poursuivait la Ville de Montréal sur la base de la réception de l’indu pour le paiement d’une somme compensatoire de frais de parc perçu en trop pour son projet de redéveloppement résidentiel. Selon l’article 5 du Règlement no 17-055 relatif à la cession pour fins d’établissement, de maintien et d’amélioration de parcs, de terrains de jeux et de préservation d’espace naturels sur le territoire de la Ville de Montréal (ci-après le « Règlement »), la somme compensatoire se calcule comme suit: 

Somme compensatoire = (10 % de la valeur du site/nombre total de logements) X (nombre de logements créés – nombre de logements sociaux ou communautaires – nombre de logements de 3 chambres et plus) 

Toutefois, l’article 6 du Règlement prévoit que pour déterminer la valeur du site aux fins du calcul de la somme compensatoire, il faut exclure la « partie du site qui ne comporte pas de logements ou des espaces dédiés strictement aux logements » . 

Le litige entre PC9 et la Ville touchaient deux éléments de la formule pour calculer la somme compensatoire : la valeur du site et l’exclusion portant sur le nombre de logements sociaux ou communautaires. Dans le cadre des négociations, PC9 devait aménager sur une portion du site « un jardin de rue » accessible au public, portion qui selon PC9  devait être exclue du calcul de la somme compensatoire de frais de parc. De plus, PC9 avait choisi de verser une contribution au fonds de la Ville consacré au logement communautaire et social. PC9 estimait donc que cette somme devait être soustraite de la somme compensatoire payable à titre de frais de parc, alors que la Ville était plutôt d’avis que seuls les logements sociaux ou communautaires mis en place sur le site même du projet donnaient droit à la déduction prévue à la formule.

La Cour supérieure trancha en faveur de PC9 pour les raisons suivantes:

  • L’exclusion du jardin de rue de la valeur du site: « la superficie du terrain occupée par le jardin de rue, d’une part, ne comporte pas de logements, et, d’autre part, n’est pas un espace strictement dédié aux logements, puisque […] cet espace peut être utilisé par le public en général comme lieu de détente ou comme passage piétonnier […]» (par. 38);
  • L’exclusion de la contribution financière pour les logements sociaux ou communautaires: les contributions sur le site, hors-site et purement financières sont toutes des contributions au logement social et sont donc des équivalents fonctionnels donnant lieu à la même déduction dans le calcul des frais de parc (par. 68 et 71).

Dans la décision Immeubles Blue Stone, le litige touchait la validité d’un permis de construction au sens du Règlement sur la construction et la transformation de bâtiments (11-018) et l’étendue de ce que constituent des travaux de construction, notion non définie dans le cadre du règlement en jeu. Immeubles Blue Stone avait obtenu son permis de construction et effectué des travaux, dont notamment la préparation et l’excavation de masse du chantier et la décontamination des sols, lesquels selon l’Arrondissement ne constituaient pas des travaux de construction au sens du Règlement sur la construction et la transformation de bâtiments (11-018). Ainsi selon l’Arrondissement, le permis de construction de Immeubles Blue Stone était périmé puisqu’aucun travail de construction n’avait été commencé dans les 18 mois de la délivrance du permis. Il est important de souligner que Immeubles Blue Stone était limité dans ses travaux en raison d’une saga judiciaire, dont plusieurs injonctions provisoires et interlocutoires, ne lui permettant pas d’avancer dans ses travaux de construction davantage. Ainsi, en plus de plaider que les travaux déjà entrepris constitués des travaux de construction, Immeubles Blue Stone alléguait l’impossibilité d’agir.

La Cour supérieure trancha en faveur de Blue Stone et conclut que les travaux entrepris par Blue Stone consistaient à des travaux de construction, puisque « les travaux de construction visent plutôt le processus, incluant toutes les étapes et les gestes nécessaires pour une construction » et que, sans un permis de construction, les travaux entrepris par Immeubles Blue Stone auraient contrevenu au Règlement sur la construction et la transformation de bâtiments (11-018) (par. 53). De plus, puisque Immeubles Blue Stone était visé par des jugements interlocutoires limitant l’étendue des travaux qu’elle pouvait entreprendre ou avancer, la Cour supérieure fut d’avis que l’impossibilité d’agir s’appliquait et elle décida donc de déclarer le permis de construction valide pour une durée supplémentaire, afin que Blue Stone n’ait pas à déposer de nouveau une demande de permis couteuse. 

Comme le démontre la décision PC9 et la décision Immeubles Blue Stone, l’application des règlements municipaux et d’urbanisme n’est pas toujours évidente et peut nécessiter des interventions judiciaires pour clarifier les droits des contribuables.

N’hésitez pas à communiquer avec Beauregard avocats pour toute question en lien avec vos demandes de permis et la somme compensatoire de frais de parc à acquitter.